samedi 7 novembre 2015

Certaines n'avaient jamais vu la mer - Julie OTSUKA


Quatrième de couverture :

L'écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l'auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis un homme qu'elles n'ont pas choisi.
C'est après une éprouvante traversée de l'océan Pacifique qu'elles rencontrent pour la première fois celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.

À la façon d'un chœur antique, leurs voix se lèvent et racontent leur misérable vie d'exilées... leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail, leur combat pour apprivoiser une langue inconnue, l'humiliation venue des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire... Une véritable clameur jusqu'au silence de la guerre. Et l'oubli. 

Prix FEMINA Étranger 2012 

Julie Otsuka est née en 1962 en Californie. En 2002, elle publie son premier roman Quand l'empereur était un dieu (Phébus, 2004 - 10-18, 2008), qui remporte immédiatement un grand succès critique, laissant présager de l'œuvre à venir.

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Mon avis :

Je le reconnais, j'étais totalement passée à côté de ce roman lors de sa sortie. Il faut dire qu'à l'époque, je n'étais déjà plus libraire et que j'avais un mal fou à me tenir au courant de l'actualité littéraire. Alors, forcément, j'ai dû en rater, des choses.
Heureusement, ma sœur, qui a pour habitude de ne jamais conserver les bouquins qu'elle achète une fois qu'elle les a lus, habitude dont je profite avec ravissement tu t'en doutes, bref, ma sœur l'a lu et me l'a donné cet été. Il m'a fallu un peu de temps avant de me décider à me plonger dedans, le sujet étant quelque peu difficile, j'attendais d'être dans les meilleures dispositions.

Cet ouvrage fait référence à une période méconnue de l'histoire à la fois du Japon et des États-Unis : l'exil des femmes japonaises, parfois toutes jeunes, à peines entrées dans l'adolescence, vers la Californie au tout début du XXe siècle. Un futur mari qu'elles n'ont jamais vu, avec lequel elles ont tout juste échangé des photos et quelques lettres, les attendait au bout de cette longue traversée du Pacifique. Les désillusions aussi. Parce que le futur mari n'avait très souvent ni l'âge, ni l'allure, ni la situation qu'il avait vantés au cours de leurs échanges.
Au déracinement succèdent alors d'autres épreuves : le travail, souvent ingrat, l'apprentissage d'une nouvelle langue, de nouvelles coutumes, les difficultés à s'intégrer dans la société californienne. Jusqu'à mener enfin une "vie normale", avec tous les guillemets dont on peut accompagner cette expression que je n'aime guère.

Et puis, le 7 décembre 1941, c'est l'attaque de Pearl Harbor par l'aviation japonaise, l'évènement marquant l'entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre Mondiale. La conséquence directe, c'est l'opprobre jetée sur les immigrants japonais et leurs descendants. Très vite transformée en véritable chasse à l'homme menant à leur déportation dans des camps de travail situés dans des états tels que le Nevada, l'Utah ou l'Idaho, entre autres.
Un grand choc pour moi qui ignorais tout de ce tragique épisode de l'histoire du siècle dernier.

Alors certes, le thème de ce court roman est particulièrement dur. Mais, de mon avis, ce qui lui donne toute sa dimension, la grande réussite de Julie Otsuka, c'est le style. Elle parvient, avec l'usage du nous, et ces longues énumérations, parfois entêtantes, qu'elle a choisi d'utiliser, à donner, dans un concert de douleur et de tristesse, la parole à chacune de ces femmes courageuses. À tel point que je me suis parfois sentie prise à la gorge, souvent étranglée d'émotion. Les scènes accompagnant notamment l'exode des déportés sont et resteront pour moi un très grand moment de lecture.

Un livre bouleversant que je te recommande vivement.

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mardi 19 mai 2015

Un petit boulot - Iain LEVISON


Quatrième de couverture : 
 
Une petite ville américaine est ravagée par la fermeture de l'unique usine, délocalisée au Mexique. Jake Skowran a non seulement perdu son travail, sa télé, son aspirateur, mais aussi sa petite amie, partie vers des cieux plus cléments... Pour ne pas perdre aussi sa propre estime, il est prêt à accepter n'importe quel "petit boulot", y compris celui que Ken Gardocki, bookmaker mafieux, lui propose : tuer sa femme. Avec sérieux et application il s'attelle à son nouveau travail... Un portrait au vitriol de l'Amérique des laissés-pour-compte. 
 
Iain Levison est l'auteur de A Working Stiff's Manifesto, un récit autobiographique. Né en Écosse, il a grandi aux États-Unis et vit à Philadelphie. Un petit boulot est son premier roman. 
 
"Jake est le nouveau héros des temps modernes... Ce Petit boulot pourait devenir un antidote à la déprime généralisée... un bestseller !" Martine Laval, Télérama
"Iain Levison a réussi, avec son premier roman, un coup de maître." Émilie Grangeray, Le Monde
"Noir et loufoque... une sacrée bonne surprise." Isabelle Lortholary, Elle 
 
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Mon avis : 
 
Je suis tombée sur ce roman un peu par hasard, en flânant dans les rayons de la petite mais néanmoins charmante bibliothèque de mon bled. J'avais le souvenir d'avoir passé un excellent moment de lecture avec Arrêtez-moi là ! du même auteur, un court roman qui tordait le cou au système judiciaire américain, je n'ai donc pas beaucoup hésité avant de l'emprunter. Et je ne le regrette pas !
 
J'ai suivi Jack, anti-héros notoire, avec délectation tout au long de ses aventures. Quand tu perds ton boulot, que tes créanciers font saisir tes moindres possessions, que ton horizon est aussi dégagé qu'une colline pelée par temps d'orage, alors oui, tu es sûrement prêt à tout. Le petit boulot, histoire d'effacer une dette de jeu, n'est que la première étape ! Parce qu'après avoir tué la femme de Gardocki, Jack ne balance pas le flingue qui lui a servi à commettre son méfait dans la rivière, comme convenu... Et que, forcément, ça revient pour lui à mettre le doigt dans un engrenage qu'il ne maîtrisera pas. Enfin, peut-être que si, mais ça, pour le savoir, il faudra que tu ailles au bout de la lecture de ces 211 pages délectables.
 
J'ai bien évidemment songé au cinéma social anglais, avec ses films qui mettent en scène des chômeurs ne manquant pas d'idées pour améliorer le quotidien, mais aussi à l'univers barré des frères Coen, Fargo et The big Lebowski en tête. Oui, j'ai vraiment trouvé à ce roman un côté indéniablement cinématographique, à quand une adaptation ?
Ce livre a l'air léger comme ça, est définitivement très drôle, d'un humour teinté de noir comme je l'aime, mais surtout véhicule un propos profondément critique à l'égard du capitalisme débridé, de la société de consommation, du monde du travail. J'ai aussi adoré le côté amoral de cette histoire, le style jubilatoire de l'auteur y étant pour beaucoup : ça me fait toujours cet effet quand on parvient à écrire des choses pour le moins "dégueu" (oui, je sais, mais aucun autre mot ne m'est venu sur l'instant !) avec autant de légèreté ! J'aurais juste adoré que ça dure un peu plus longtemps.
 
Une réussite. Qui m'a donné envie de me jeter sur les trois romans de l'auteur que je n'ai pas encore lus.
Quoi qu'il en soit, je te le recommande sans hésiter.
 
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mardi 6 janvier 2015

La marque de Windfield - Ken FOLLETT


Quatrième de couverture : 

L'auteur de l'inoubliable fresque des Piliers de la Terre nous emmène ici au cœur de l'Angleterre victorienne.
En 1866, plusieurs élèves du collège de Windfield sont témoins d'un accident au cours duquel l'un des leurs trouve la mort.
Ce drame va marquer à jamais les destins d'Edward, riche héritier d'une grande banque, de Hugh, son cousin pauvre et réprouvé, et de Micky Miranda, fils d'un milliardaire sud-américain.
Autour d'eux, des dizaines d'autres figures évoluent, dans cette société où les affaires de pouvoir et d'argent, de débauche et de famille, se mêlent inextricablement derrière une façade de respectabilité... 

Quand l'auteur de L'Arme à l'œil change d'époque et dépeint le Londres du XIXe siècle et ses Rastignac, sa plume se fait aussi noire que celle d'une Edith Wharton, peut-être même d'un Dickens.
Anne Pons, L'Express.

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Mon avis : 

Traditionnellement ma première lecture de l'année est souvent marquante, ascendant excellente. Et visiblement, 2015 n'était pas décidée à déroger à la règle puisque ce roman, offert par MariChéri à Noël, m'a happée pour ne me relâcher qu'une fois la dernière page tournée.
À la fois polar et roman historique, ce livre m'a captivée de bout en bout. Et m'a offert une plongée dans l'Angleterre victorienne avec tout ce qu'elle a de fascinant, et plus précisément dans le Londres des finances d'alors.

Véritable saga s'étalant sur près de trente ans, l'ouvrage offre une galerie de portraits tous plus forts les uns que les autres, certains attachants, et d'autres pervers et redoutables, du genre qu'on adore détester. L'intrigue est machiavélique à souhait, bien des fois je me suis retrouvée quasiment le souffle court, à tourner les pages de façon frénétique pour savoir, vite savoir.
Et puis, le style de Follett, riche en descriptions, parfois même quasi journalistique, j'adore. Malgré deux ou trois petits accidents de traduction, fort heureusement regroupés dans le même chapitre, et qui n'ont finalement pas gâché mon plaisir.

Un excellent moment de lecture qui m'a donné envie de me plonger dans bien d'autres romans du même auteur.

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